Par Michel Émeriau, Délégué DLR Cannes 8ème AM, Délégué National à la Participation
Indépendamment de notre action au sein de nos associations ou nos mouvements souverainistes, gaullistes ou républicains, à l’heure où le Président de la République ouvre le débat sur l’identité nationale, il est un combat que nul ne doit ignorer parce qu’il est essentiel et qu’il est le véhicule même de notre culture dans l’acceptation la plus universelle du mot.
Le premier combat de tout souverainiste, gaulliste ou républicain doit être celui de la défense de sa langue, de notre langue, le Français. Cette langue, nous l’avons reçu en héritage par cent générations qui se la sont transmise en l’enrichissant année après année, siècle après siècle. À ce titre, nous sommes les héritiers directs des Ronsard, des Montaigne ou des Chateaubriand qui l’ont fait clamer face au soleil par mille et mille hérauts.
Cet héritage, nul ne peut nous en déposséder sans notre consentement. Notre nation a été maintes fois envahie par des hordes barbares. Le seul bien qu’elles n’aient jamais su nous arracher ou détruire est précisément cette belle langue qui fit autrefois l’admiration de toutes les cours d’Europe et qui est aujourd’hui encore à travers le monde la marque distinctive d’une culture certaine.
Il appartient à chaque Français de se montrer digne d’elle et de ne point céder aux sirènes de la langue unique. Combien de fois avons-nous entendu se lamenter nos chers compatriotes sur l’impossibilité dans laquelle ils se croyaient d’agir pour préserver leur souveraineté, leur identité ? Combien de fois les avons-nous vu pointer d’un doigt accusateur Bruxelles, l’Amérique ou bien la Destinée, et puis, l’instant d’après, baisser le pavillon et servir la langue de l’« envahisseur » ?
Avec la modernisation et le progrès technique, la langue unique pénètre jusqu’au cœur de nos foyers, jusque dans les chambres de nos enfants. La télévision et l’Internet en sont les premiers instruments, mais aussi les livres. Et ce n’est pas en refusant les premiers que nous pourrons faire reculer la langue d’assimilation. Encore une fois, il n’appartient qu’à nous d’imposer, chez nous, des règles qui nous sont propres et d’utiliser, à notre bénéfice, les outils de la modernisation et du progrès technique.
Pourquoi suivre les « niouzes » lorsque l’on peut s’informer de l’actualité ? Pourquoi envoyer un « imaille » lorsque l’on peut transmettre un courriel ? Pour quoi faire ? Pour gagner un peu de temps avec des mots plus courts ? Et que ferons-nous alors de tous ces dixièmes de secondes gagnés ? Les utiliserons-nous à pleurer sur nos abandons de souveraineté ?
Si cette langue est notre héritage, nous l’avons en partage avec plus de cinquante nations dont certaines la font claquer au vent comme l’étendard de la liberté.
Il est impossible d’aborder la francophonie sans évoquer le Québec qui s’est doté d’un Office de la Langue Française dont on ne connaît, hélas, aucun équivalent en France. Les courageuses initiatives de Jacques Toubon furent naguère tournées en dérision au sein même de sa propre famille politique. Cette nation québécoise, pour laquelle nous formons des vœux de prochaine souveraineté, a maintes fois ouvert la voie de ce combat essentiel. Il nous appartient de lui rendre ici un vibrant hommage.
Il est impossible aussi d’aborder la francophonie sans évoquer celui qui su si bien l’universaliser, celui qui en fut l’un des pères fondateurs. Nous pensons, bien évidemment, à Léopold Sédar Senghor. Heureux les pays dont les présidents sont des poètes ! Leurs armes, pour n’être « que » des mots n’en sont pas moins efficaces face à la barbarie et à l’inculture. On a dit que Senghor était mort un jour à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. Ceux qui croient cela ignorent que Senghor, plus qu’aucun autre, est « immortel ».
Alors, chers compatriotes, et vous, chers amis francophones, avec un tel héritage, avec cette langue que nous avons en partage, ne baissons pas les bras ! Ne croyons pas ceux qui nous disent qu’ainsi va le monde et qu’il faut bien vivre avec son temps ! N’écoutons pas ces technocrates qui ne rêvent qu’à un monde où la normalisation règnerait en seule maîtresse : monnaie unique, marché unique, état unique, uniforme unique, langue unique, pensée unique. Société inique !
Nous savons que notre cause est juste. Si nous en doutions, il nous suffirait d’observer la détermination avec laquelle les tenants de la langue unique veulent nous imposer le « tout anglais ».
Avec une chanson, dit le poète, il est possible de faire tomber des murailles !
Il appartient à chacun d’entre nous de bâtir cette chanson avec les mots de notre langue.